Colloque Jeunes Chercheurs, Appel à contribution

Enjeux audiovisuels du cinéma 360° :

Cadre, hors-champ, montage, diffusion, etc.

Appel à contribution

Colloque Jeunes chercheurs pluridisciplinaire

Le cinéma 360° apparaît aujourd’hui comme un renouveau dans l’univers des technologies de l’audiovisuel. Cette innovation se démocratise rapidement soutenue par ce qui semble être une volonté explicite dans le domaine de la communication de masse : de grands groupes sur Internet (Youtube, Vimeo, Dailymotion, Facebook) s’engagent durablement dans la promotion de cette technologie en proposant des lecteurs adaptés et des outils pour la création et pour l’édition.

Par rapport aux moyens de diffusion traditionnelle, le groupe Mk2 propose à présent une salle dédiée au cinéma 360° où le public choisit individuellement le départ de leur visionnage et partage aussi quelques expériences collectivement.

Des chaînes de diffusion et de production de télévision s’investissent également dans le domaine en proposant du journalisme immersif tout comme de la fiction : en Angleterre, la BBC par le biais des expérimentations de son laboratoire de recherche et développement Reality Labs1 ; en France, France télévisions avec la série 360@2 et Arte avec l’application arte360 VR3 ; sur le web avec le film I, Philip4 réalisé par Pierre Zandrowicz.

De l’autre côté de l’atlantique on peut citer les chaînes d’information USA Today avec vrstories5, CNN et son département CNNVR6 ou l’agence Emblematic Group7 crée par Noni de la Peña pionnière du journalisme immersif. Du côté de la fiction, il est important de citer Sam Esmail créateur et réalisateur de la série Mr. Robot (USA Network) qui propose une immersion dans l’univers de son personnage8.

Quoique l’on se soit attendu à une sorte de résistance de la part des réalisateurs ou des festivals, défendant une vision du cinéma moins asservi à l’exploitation commerciale de la technologie, on s’étonne plutôt de l’intérêt manifesté par les créateurs pour cette innovation. Des films 360° comme, Carne y arena, la fiction de Alejandro Gonzales Iñarritu, diffusée au festival de Cannes 2017 ou le documentaire de Cathryn Bigelow et Imraan Ismail The Protectors: Walk in the Rangers Shoes programmé en première du festival de cinéma de Tribbeca 2018, témoignent de cet intérêt grandissant. D’autres festivals se montrent tout autant intéressés, comme la Mostra de Venice qui ouvre cette année la catégorie Venice Virtual Reality ou le festival Sundance avec la section New Frontier pour son édition 2017.

Au-delà des problématiques techniques liées à la production et à la diffusion de ce « cinéma » en réalité virtuelle, qu’on devrait plutôt appeler en 360° (Cf. Fuchs9), ces nouvelles images semblent remettre en question la processus de création, la manière même de créer des images en mouvement tout comme le son qui les accompagnent. Le réalisateur qui choisit cette voie doit composer avec une technologie qui semble bousculer l’appréhension de la notion d’auteur, d’acteur et de spectateur.

Tout d’abord le réalisateur, qui fait des concessions en donnant un rôle plus actif au spectateur, en espérant lui offrir une image plus large de son univers. Ensuite l’acteur, qui désormais doit intégrer par son jeu le langage cinématographique qui semble se diluer dans un point de vue total. Et enfin, le spectateur qui doit maintenant se fier à son instinct tout en ouvrant son esprit aux nouvelles formes narratives.

Mais que peut pousser un réalisateur à s’aventurer dans des domaines si nouveaux et inexplorés ? Pourquoi voudrait-il remettre en question son savoir faire et sa maîtrise du langage audiovisuel voire de son style ?

« C’est parce que la machine industrielle cinématographique met en danger la dimension créative du réalisateur au profit de la dimension strictement productive et de la valeur purement commerciale des films, que certains réalisateurs se mettent en scène pour inscrire dans leur scénario et dans leur corps d’acteur la charge de faiblesse sans laquelle, il n’y a plus de liberté ni d’art donc de reconnaissance de l’autorité du spectateur. »10 Bien que dans l’exemple que propose Marie José Mondzain, il s’agisse du réalisateur qui joue le rôle d’acteur dans son film, il n’est pas déplacé de faire un parallèle avec les risques pris par le réalisateur qui décide de s’engager dans l’expérience du cinéma 360°. La contrainte esthétique, pour le réalisateur, se manifesterait notamment par l’abandon d’un cadre imposé et par l’impossibilité d’utiliser un langage cinématographique conventionnel, au profit d’un partage spatialisé de son imaginaire, peut-être plus en adéquation avec sa vision.

Une autre raison pourrait se retrouver dans la nature technique propre au cinéma et de ce qui l’a fait naître. « Le mythe directeur de l’invention du cinéma est donc l’accomplissement de celui qui domine confusément toutes les techniques de reproduction mécanique de la réalité qui virent le jour au XIXe siècle, de la photographie au phonographe. C’est celui du réalisme intégral, d’une ré-création du monde à son image, une image sur laquelle ne pèserait pas l’hypothèque de la liberté d’interprétation de l’artiste ni l’irréversibilité du temps. Si le cinéma au berceau n’eut pas tous les attributs du cinéma total de demain, ce fut donc bien à son corps défendant et seulement parce que ses fées étaient techniquement impuissantes à l’en doter en dépit de leurs désirs. »11 A la lumière de ce qu’écrit André Bazin, il s’agirait plutôt d’une envie liée aux évolutions technologiques de chaque époque, toujours véhiculées par ce désir de reproduire et de transmettre ce que l’on voit et ce que l’on vit.

Dans Le cinéma ou l’homme imaginaire, Edgar Morin nous explique que « [..] Le cinéma a inventé la rotation de la caméra sur elle même (panoramique vertical ou horizontal), pour ouvrir l’espace tout entier au spectateur12 », et même si ce cinématographe total fut un échec à ses débuts, il répondait au besoin, peut-être un « non-besoin » (Cf.Morin), d’aller plus loin dans la dialectique que propose le cinéma.

Avec les nouveaux pouvoirs sur le choix du cadre accordés au spectateur, on pourrait s’intéresser d’avantage aux théories du jeu vidéo traitant de l’immersion audiovisuelle. Mais quoique depuis plusieurs années, les jeux vidéo explorent les univers hautement immersifs, il ne faut pas oublier que le cinéma 360°, tel qu’il est proposé aujourd’hui, a comme particularité une temporalité propre au récit cinématographique. Le scénario, la mise en scène, le cadre et le montage restent la base de la narration. Sans possibilité de faire des boucles, d’avancer dans des niveaux, de gagner, de perdre ou d’explorer un univers, le cinéma en 360° propose une manipulation du cadre qui brouille les pistes amenant à comprendre sa vraie nature. Une réflexion autour de cette problématique mérite d’être engagée si l’on souhaite comprendre les défis et possibilités de cette nouvelle voie que propose aujourd’hui la technologie au cinéma.

À travers l’appel à communication de ce colloque plusieurs questions se posent à la communauté scientifique et professionnelle :

1- Comment un dispositif de prise de vue à 360° modifie-t-il la manière d’écrire et de raconter des histoires ? Est-ce que le scénario doit être écrit en pensant qu’il sera filmé en 360° ou peut-on adapter n’importe quelle histoire ? Comment la pensée, la pratique du montage se voient-elles modifiées par les contraintes propres au dispositif ? Comment utiliser les mêmes codes (valeurs de plan, raccords, ellipses) que dans un cinéma « conventionnel » ?

2- Relativement au son, quels sont les contraintes et les horizons ? Comment le son peut-il jouer un rôle narratif supplémentaire, non seulement d’un point de vue de la spatialisation pendant la captation mais du point de vue de la gestion d’un espace recrée de toutes pièces. Comment la musique et les ambiances sonores peuvent-elles enrichir ce point de vue total où le cadre est piloté par le spectateur ?

3- Avec un point de vue total, que deviennent le hors champ et le cadre ? Doit-on redéfinir la notion de hors champ maintenant qu’il semble disparaître ? Quel rôle jouent-ils dans la narration ? Comment alors conduire le regard du spectateur qui n’est plus contraint par la temporalité de la découverte à l’intérieur d’un cadre ? Le jeu de l’acteur et une mise en scène travaillée comme pour le théâtre par exemple, peuvent-elles résoudre cette problématique ?

4- La Cybermaladie connue aussi comme Virtual Reality Sickness, représente un vrai problème à la popularisation du cinéma VR. Cette maladie se manifeste principalement par des maux de tête et des nausées quand le spectateur n’arrive plus à faire un lien entre les images qu’il voit et ses repères physiques dans l’espace. Pour citer des exemples connus on peut parler des mouvements de caméra et changements de plans trop rapides. Quelles sont les limites de la mise en scène par rapport à la santé et au bien-être du public ? Peut-on brider la création pour respecter le public ? Quels efforts peut-on demander au spectateur ? Peut-on utiliser volontairement cette contrainte comme un outil narratif (Cf. le cas des infrasons dans les films d’épouvante) ?

5- À l’opposé de la Cybermaladie, le cinéma 360° semble avoir des vertus thérapeutiques dans le traitement de diverses pathologies comme le vertige ou d’autres phobies. Quels autres usages médicaux peut on imaginer avec ce dispositif ? Quels autres domaines pourraient aussi bénéficier d’une telle technologie ?

6- S’agissant d’un support qui démultiplie les moyens de visionnage (SmartPhone, ordinateur, casque d’immersion) peut-on envisager d’autres types de diffusion ? Peut-on imaginer des hybrides avec le spectacle vivant où un opérateur piloterait le cadre pendant une projection en public, comme un pianiste aurait joué de la musique pour accompagner un film muet ? Quels dispositifs peut-on alors imaginer pour la réalité mixte ?

7-Suite à la diffusion d’un film 360° au festival de Cannes et l’ouverture d’une catégorie réalité virtuelle à la Mostra de Venise, quel est l’impact possible de ce média dans l’industrie du cinéma ? Peut-on parler du début de la fin du cinéma conventionnel ?

L’ensemble de ces interrogations pourront nous donner une image plus juste du Cinéma VR et nous permettront d’envisager sa possible évolution. Ce colloque se veut ouvert à toutes les disciplines qui peuvent trouver dans le cinéma VR une opportunité de renouveau ou des réponses à des problématiques diverses. Il confrontera volontiers les apports de chercheurs, universitaires, enseignants, professionnels et créateurs dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel.

Le colloque est organisé par le LARA – SEPPIA (EA 4154), équipe LARA de l’Université Toulouse Jean Jaurès et aura lieu le 27 et 28 juin 2019 à l’ENSAV et sera accompagné d’une table ronde avec des réalisateurs et professionnels tout comme des projections de films en 360°.

La contribution pourra se faire sous forme de conférence (20 min.) ou en participant à une table ronde autour du sujet. Les réalisateurs intéressés pourront aussi proposer leur film en visionnage sous différentes formes : Casque d’immersion, projection sur dôme pilotée en temps réel.

Les propositions de contribution se feront sous forme de texte (300 à 400 mots ou images du film 360°) avec le titre de l’intervention et une courte biographie de l’intervenant et son statut actuel. Elles devront être adressées à Manuel Siabato : manuel.siabato-morales@univ-tlse2.fr

Calendrier (dates importantes) :

Date limite pour l’envoi des propositions : 28 janvier 2019

Notification d’acceptation des propositions : 4 février 2019

Remise des textes complets : 8 avril 2019

Colloque proposé par Manuel SIABATO, docteur en études audiovisuels ATER à l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès UT2J, laboratoire LARA-SEPPIA (EA 4154), chargé du parcours Infographie L’ENSAV (École Nationale Supérieure d’AudioVisuel) Toulouse.

Comité scientifique :

(Pr.) Chu-Yin Chen, équipe de recherche Image Numérique et Réalité Virtuelle, INREV du Laboratoire Arts des Images et Art Contemporain, AI-AC – EA4010 – Université Paris 8

(MCF) Claire Chatelet, laboratoire Représenter, Inventer la Réalité à l’Aube du XXIème siècle, RIRRA21 EA4209 – Université Montpellier 3

(Pr.) Gilles Methel, équipe LARA du Laboratoire de Recherche en Audiovisuel / Savoirs, Praxis et Poïétiques en Art, LARA-SEPPIA EA4154 – Université Toulouse 2

(MCF) Frédéric Tabet, équipe LARA du Laboratoire de Recherche en Audiovisuel / Savoirs, Praxis et Poïétiques en Art, LARA-SEPPIA EA4154 – Université Toulouse 2

(MCF) Isabelle Labrouillère, équipe LARA du Laboratoire de Recherche en Audiovisuel / Savoirs, Praxis et Poïétiques en Art, LARA-SEPPIA EA4154 – Université Toulouse 2

(MCF/HDR) Hélène Laurichesse, équipe LARA du Laboratoire de Recherche en Audiovisuel / Savoirs, Praxis et Poïétiques en Art, LARA-SEPPIA EA4154 – Université Toulouse 2

Articles

BARTHES Roland, En sortant du cinéma, Communications, 23, 1975. Psychanalyse et cinéma. pp.104-107; doi: 10 3406/comm. 1975.1353Disponible sur Internet: <http://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1975_num_23_1_1353>

MIN LEE Kwan, Presence, Explicated, Communication theory, Volume 14, Issue 1, Feb. 2004, pp.27-50 DOI: 10.1111/j.1468-2885.2004.tb00302.x Disponible sur Internet: <http://wiki.commres.org/pds/Project_7eNrf2010_2f_ec_82_ac_ed_9a_8c_ed_95_99_ec_a0_81_ec_a0_91_ea_b7_bc/Presence.pdf>

LAMBOLEY Claude, Petite histoire des panoramas ou la fascination de l’illusion, Séance du26/02/2007, Bulletin n°38, pp. 37-52 (édition 2008), Académie des sciences et lettres deMontpellier.Disponible sur Internet: <http://www.ac-sciences-lettres-montpellier.fr/academie_edition/fichiers_conf/Lamboley2007.pdf>

PISANO, Giusy. Chapitre XXII. Vers le spectacle: les expérimentations d’Auguste Baron et d’autres pionniers In: Une archéologie du cinéma sonore [en ligne]. Paris: CNRS Éditions, 2004(généré le 11 novembre 2017). Disponible sur Internet: <http://books.openedition.org/editionscnrs/2760> EAN: 9782271078216 DOI: 10.4000/books.editionscnrs.2760

Bibliographie

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COMAR P., La perspective en jeu. Les dessous de l’image, Découvertes Gallimard, Série Arts,Paris, Gallimard, 1992, ISBN 978-2-07-053185-1

EPSTEIN Jean, L’intelligence d’une machine, Les classiques du cinéma, Jacques Melot, 1946,ISBN 979-10-90683-12-9

FLOCON A., TATON R., La perspective, Que sais-je?, Paris, Presses Universitaires de France,2005, ISBN 2-13-054852-0

JOHNSON W. S., RICE M., WILLIAMS C., Histoire de la photographie de 1839 à nos jours,Taschen, 2000, ISBN 3-8228-6349-1

LAVANDIER Y., La dramaturgie, l’art du récit, Le clown et l’enfant, 2014, ISBN 2-910606-11-2

MANNONI L., La machine cinéma: de Méliés à la 3D, Paris, La cinémathèque française: Lienart,DL 2016, ISBN 978-2-35906-176-5

MACKENDRICK A., La fabrique du cinéma, Paris, l’Arche, 2010, ISBN  978-2-85181-723-5

MONDZAIN M.J., Homo Spectator, Bayard, 2007, ISBN 9782227486836

MORIN E., Le cinéma ou l’homme imaginaire, Les éditions de minuit, 2002 (1956), ISBN 2-7073-0210-0

PANOFSKY E., La perspective comme forme symbolique, Le sens commun, Paris, Éditions deminuit, 1991, ISBN 2-7073-0091-8

VAN SIJLL J., Les techniques narratives du cinéma, Paris, Eyrolles, 2006, ISBN 978-2-212-11761-5

Références Internet

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